Pouvez-vous nous donner une idée sur la situation épidémiologique du sida en Tunisie ?
La situation épidémiologique est stable depuis 1997. On enregistre, en moyenne, 67 nouvelles infections par an.
La prévalence du VIH est stable et faible, inférieure à 0,1%, ce qui signifie qu’il y a une personne séropositive pour 10 mille habitants, ce qui place la Tunisie comme un pays à faible prévalence de VIH.
Depuis 1985 et jusqu’au 2010, le nombre des cas de VIH cumulés est de 1 633, dont 878 au stade sida, parmi lesquels 513 sont déclarés décédés.
Mais, n’y-a-t-il pas un problème de sous-déclaration, qui fait que ce nombre ne corresponde pas tout à fait à la réalité ?
Ce problème n’existe pas, pour la simple raison que le VIH n’est pas une infection comptabilisée à part. Il y a un système général de surveillance du sida, et celui-ci figure parmi les maladies à déclaration obligatoire. Un texte de loi oblige les médecins et les biologistes à faire parvenir une déclaration, confidentielle bien entendu, au Ministère de la Santé publique avec une copie à la Direction de Soins de Santé de Base (DSSB).
La déclaration se fait sur la base d’un premier test de dépistage. Ensuite, puisqu’il y a un risque que le premier test donne de faux positifs, il est systématiquement confirmé par un second test, effectué dans le Laboratoire National de Virologie de Charles Nicolle. Le résultat fiable et définitif nous provient dudit laboratoire, que l’on considère comme un laboratoire de référence.
Par ailleurs, les enquêtes sérocomportementales que nous avons menées montrent que la population générale dans le pays est saine. Sur les 200.000 poches de sang collectées par les banques de sang chaque année, le nombre de cas contaminés reste faible. Le don du sang reste un indicateur, une jauge de la prévalence du VIH dans notre pays.
Qu’en est-il du sexe ratio. Combien y-a-t-il de femmes malades par rapport aux hommes ?
Au départ, on comptait plus de trois hommes malades pour une femme. Mais, petit à petit, la situation a changé. On compte d’ores et déjà 2,8 hommes malades pour une femme. Actuellement, il y a mille hommes, plus de 300 femmes et une centaine d’enfants malades. Au total, il y aurait 2.400 cas porteurs du VIH supposés être en vie. Par ailleurs, depuis 1996/97, l’infection était devenue autochtone. Auparavant, c’étaient des jeunes qui venaient de l’extérieur qui étaient infectés.
L’accès au traitement et à la trithérapie sont-ils gratuits en Tunisie ?
Ce n’est pas uniquement le traitement, c’est toute la prise en charge qui est gratuite. Auparavant, le traitement était très cher, mais la majorité des laboratoires et des firmes pharmaceutiques ont consenti dans le cadre de la lutte contre le sida à réduire les coûts. Le traitement est très important, car il permet de réduire le risque de contamination, et le risque d’infections opportunistes. En effet, ce n’est pas le sida qui tue, mais ce sont ces infections, anodines chez un sujet normal, mais très graves chez une personne vivant avec le VIH, dont le système immunitaire est tellement décadent et les défenses totalement faibles.
Combien ça coûte à l’Etat un malade de sida ?
En l’état actuel, un malade de sida coûte 190 dinars/mois. Il reste pourtant le problème de l’échec de la thérapie : il y a des malades qui développent une résistance et une intolérance aux médicaments. Il leur faut, dans ces cas, de nouvelles molécules qui coûtent davantage.
Au total, il y a trois gammes de médicaments pour le sida : le protocole thérapeutique de 1ère intention, le protocole de 2ème intention et le protocole de 3ème intention. Les trois gammes existent en Tunisie, mais, c’est le troisième protocole qui coûte le plus : 17.000 dinars par malade. C’est un protocole qui est préconisé en cas d’échec thérapeutique pour les malades qui développent une intolérance pour le 1er et le 2ème protocole.
En tout cas, en Tunisie, il n’y a que 3-4 malades qui bénéficient de ce protocole et qui sont pris en charge par le Ministère de la Santé.
Quels types de VIH existent-ils en Tunisie ?
En Tunisie, il y a un seul type de virus qui est présent, c’est le VIH1.
Avez-vous constaté une meilleure utilisation du préservatif parmi les jeunes ?
Les études comportementales réalisées ont montré que le niveau de connaissance et d’utilisation du préservatif ne sont pas identiques selon les milieux, d’où la nécessité de renforcer la prévention. Par ailleurs, il faut inciter les jeunes à se diriger vers les centres de conseil et de dépistage anonyme et gratuit. Il y a 19 centres sur 14 régions (Ben Arous, Gafsa, Kasserine, Kébili, le Kef, la Manouba, Mahdia, Médenine, Monastir, Nabeul, Sousse, Sfax, Tozeur et Tunis), qui relèvent soit de la Direction des Soins de Santé de Base (DSSB), soit des ONG. Nous avons jusque-là fait deux évaluations quant à l’accès à ces centres. Notre but est d’en faire des espaces adéquats et non stigmatisants, où l’utilisateur du service peut passer inaperçu.
Quels sont les facteurs de transmission du VIH les plus fréquents en Tunisie ?
Chez les hommes, la proportion la plus élevée de transmission se fait par l’usage de drogues injectables (42,3% contre 5,4% pour le sexe féminin). La transmission sexuelle est principalement hétérosexuelle (27,1% de transmission hétérosexuelle et 6,6% de transmission par rapports sexuels entre hommes).
Pour le sexe féminin, la transmission se fait essentiellement par voie hétérosexuelle (68,8%). La transmission du VIH de la Mère à l’Enfant est relativement faible, avec une moyenne de 4 enfants infectés par an. Il faut noter qu’aucun cas de transmission par le sang ou ses dérivés n’a été constaté après 1987.